Depuis plusieurs années, la formation professionnelle en France connaît une profonde transformation. La réforme de 2018 a introduit deux dispositifs devenus incontournables : la certification Qualiopi et le Compte Personnel de Formation (CPF). Tous deux poursuivent des objectifs complémentaires mais souvent confondus. Qualiopi atteste de la qualité des organismes de formation, tandis que le CPF est un dispositif de financement individuel accessible à chaque actif. Leur relation est centrale : pour qu’une formation puisse être financée par le CPF, elle doit être proposée par un organisme certifié Qualiopi. Mais réduire le lien entre les deux à ce seul aspect serait simplifier une réalité beaucoup plus riche. Comprendre en profondeur leur articulation permet de mieux saisir les enjeux actuels de la formation professionnelle, aussi bien pour les organismes que pour les apprenants.
Qualiopi : la certification qualité au cœur du système
La certification Qualiopi a été instaurée par la loi du 5 septembre 2018, dite « Loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel ». Elle est devenue obligatoire au 1er janvier 2022 pour tout organisme de formation souhaitant accéder à des financements publics ou mutualisés. En pratique, cela signifie que sans Qualiopi, un organisme peut continuer à exercer son activité, mais il ne pourra prétendre à aucun financement via les opérateurs de compétences (OPCO), Pôle Emploi, les Régions ou le CPF.
Concrètement, Qualiopi repose sur un Référentiel National Qualité (RNQ), qui se décline en sept critères et trente-deux indicateurs. Ces critères couvrent tout le cycle de vie de la formation : depuis la clarté de l’information donnée au public, jusqu’à l’évaluation des résultats, en passant par la qualification des formateurs, l’adaptation des parcours aux besoins spécifiques ou encore le suivi post-formation. Pour obtenir la certification, un organisme doit donc démontrer, preuves à l’appui, que ses pratiques sont conformes à ces exigences.
Le processus de certification est rigoureux. Il commence par un audit initial, au cours duquel un auditeur externe, mandaté par un organisme certificateur accrédité par le COFRAC, examine les procédures et documents de l’organisme. Si des non-conformités sont relevées, des actions correctives doivent être mises en œuvre dans un délai imparti. Après obtention du certificat, un audit de surveillance a lieu dix-huit mois plus tard, puis un audit de renouvellement au terme des trois ans. Ce cycle garantit que la qualité n’est pas seulement prouvée à l’instant T mais fait l’objet d’une amélioration continue.
Au-delà de l’aspect réglementaire, Qualiopi constitue un gage de crédibilité pour les organismes. Elle rassure les apprenants, les entreprises et les financeurs en attestant que les formations suivies reposent sur une démarche qualité solide. Elle incite également les organismes à structurer leurs processus internes, à clarifier leur pédagogie et à professionnaliser leurs pratiques.
Le CPF : un droit individuel pour financer la formation
Face à l’évolution rapide des métiers et des compétences, le législateur a souhaité doter chaque actif d’un outil simple et universel pour se former tout au long de sa vie. C’est dans cette logique qu’a été créé le Compte Personnel de Formation (CPF), qui a remplacé le Droit Individuel à la Formation (DIF). Depuis 2019, les droits sont monétisés : chaque salarié acquiert 500 euros par an, dans la limite de 5 000 euros. Pour les salariés peu qualifiés, le crédit est porté à 800 euros par an avec un plafond de 8 000 euros.
L’un des grands atouts du CPF est son caractère personnel et portable. Les droits acquis ne disparaissent pas en cas de chômage, de changement d’employeur ou de reconversion. Chaque actif dispose ainsi d’un capital formation utilisable à sa convenance, depuis la plateforme « Mon Compte Formation », accessible en ligne ou via une application mobile.
Toutes les formations ne sont toutefois pas finançables par le CPF. Seules celles qui présentent un intérêt reconnu pour l’employabilité le sont. Il peut s’agir de formations préparant à des certifications professionnelles inscrites au RNCP (Répertoire National des Certifications Professionnelles) ou au Répertoire Spécifique (RS), de bilans de compétences, d’actions de validation des acquis de l’expérience (VAE), de permis de conduire ou encore de formations liées à la création ou reprise d’entreprise. En d’autres termes, le CPF est centré sur des parcours certifiants ou qualifiants, dont la valeur est garantie par l’État et par France Compétences, l’autorité chargée de réguler le secteur.
Ces dernières années, le CPF a connu un succès fulgurant. Entre 2020 et 2022, il a représenté près de 7 milliards d’euros de dépenses. Ce succès a cependant attiré son lot de fraudes, ce qui a conduit les pouvoirs publics à durcir les conditions d’utilisation. Depuis mai 2024, et revalorisé en janvier 2025, chaque titulaire doit ainsi financer un reste à charge obligatoire de 102,23 € lors de l’inscription à une formation CPF, sauf prise en charge par un employeur ou un autre financeur. Cette mesure vise à responsabiliser les bénéficiaires et à limiter les abus.
Qualiopi et CPF : deux dispositifs complémentaires
Il est courant d’entendre que « Qualiopi permet d’accéder au CPF ». La formule est exacte mais incomplète. En réalité, Qualiopi est une condition nécessaire mais non suffisante. Pour être visible sur le catalogue CPF, un organisme doit certes être certifié Qualiopi, mais il doit également proposer des actions éligibles au dispositif.
Un organisme peut donc obtenir Qualiopi et ne jamais apparaître sur Mon Compte Formation s’il propose uniquement des formations qui ne relèvent pas du RNCP, du RS ou des autres actions listées comme finançables. À l’inverse, un organisme qui dispose d’une certification éligible mais qui n’a pas Qualiopi ne pourra pas non plus y accéder. La synergie est donc totale : Qualiopi garantit la qualité, le CPF ouvre le financement.
Pour illustrer cette complémentarité, prenons l’exemple d’un centre de langues. Sans Qualiopi, il pourra proposer des cours d’anglais financés uniquement par les particuliers ou les entreprises sur fonds propres. Avec Qualiopi, il pourra obtenir des financements OPCO. Mais pour apparaître sur le CPF, ses cours devront en plus préparer à une certification reconnue, comme le TOEIC ou le Linguaskill, inscrits au RNCP ou au RS.
Le rôle central d’EDOF
Le lien opérationnel entre Qualiopi et CPF se matérialise par la plateforme EDOF (Espace des Organismes de Formation). Il s’agit du portail qui permet aux organismes de déposer leurs offres sur le site Mon Compte Formation.
Depuis octobre 2022, la Caisse des Dépôts, qui gère le CPF, a mis en place une procédure d’enregistrement plus stricte afin de filtrer les organismes peu sérieux et de lutter contre la fraude. Désormais, pour obtenir un accès à EDOF, un organisme doit fournir de nombreux justificatifs : numéro de déclaration d’activité actif, bilan pédagogique et financier, casier judiciaire vierge du dirigeant, certification Qualiopi valide, attestations fiscales et sociales, mais aussi preuves de capacité pédagogique et technique.
Cette étape est incontournable. Sans EDOF, un organisme ne peut publier aucune offre CPF, même s’il est certifié Qualiopi et qu’il propose une certification éligible. L’inscription sur EDOF est donc le chaînon manquant entre la qualité (Qualiopi) et le financement (CPF).
Comment rendre une formation éligible au CPF ?
Une fois Qualiopi obtenue et l’accès à EDOF validé, reste à rendre ses offres réellement finançables. Deux stratégies sont possibles.
La première consiste à s’adosser à une certification existante. Dans ce cas, l’organisme identifie une certification RNCP ou RS qui correspond à son domaine et contacte le certificateur pour obtenir une habilitation à former. Le certificateur inscrit alors l’organisme comme partenaire officiel auprès de France Compétences, ce qui rend ses formations éligibles. Cette solution est la plus rapide mais implique souvent des frais ou des conditions de partenariat.
La seconde option est de créer sa propre certification. Plus ambitieuse, elle demande un lourd travail d’ingénierie : définir un référentiel de compétences, construire un dispositif d’évaluation, justifier l’intérêt socio-économique et déposer un dossier complet auprès de France Compétences. Les délais sont longs, les critères stricts et le taux de refus élevé (près de 80 %). Cette voie est donc réservée aux organismes proposant une expertise réellement innovante ou différenciante.
Les erreurs fréquentes des organismes de formation
Beaucoup d’organismes se lancent dans la démarche CPF en commettant les mêmes erreurs. Certains pensent que Qualiopi suffit et découvrent trop tard que leurs formations ne sont pas éligibles. D’autres publient des offres sur EDOF sans disposer des habilitations nécessaires, ce qui entraîne un refus ou un déréférencement. Les oublis administratifs, comme l’absence de dépôt du BPF ou des attestations fiscales, sont également fréquents et bloquent l’accès. Enfin, il arrive que des programmes pédagogiques soient mal alignés avec le référentiel de la certification visée, ce qui conduit à une non-conformité.
Ces erreurs montrent qu’il ne suffit pas de décrocher Qualiopi pour réussir sur le marché du CPF. Il faut aussi anticiper les conditions d’éligibilité, se préparer aux contrôles et s’assurer que toute la chaîne, de la pédagogie à l’administratif, est parfaitement en ordre.
Les bénéfices pour les organismes et les apprenants
Lorsqu’un organisme parvient à combiner Qualiopi, EDOF et éligibilité CPF, les avantages sont considérables. Pour lui, c’est l’ouverture à un marché immense : des millions d’actifs disposent chaque année de droits formation qu’ils peuvent mobiliser. Être présent sur Mon Compte Formation, c’est gagner en visibilité, en crédibilité et en compétitivité. C’est aussi l’occasion de structurer ses processus internes et de renforcer la qualité de ses prestations.
Pour les apprenants, la synergie Qualiopi-CPF est également positive. Qualiopi garantit que les formations suivies respectent des standards élevés de qualité, tandis que le CPF offre une sécurité financière et une liberté de choix. Ensemble, ces deux dispositifs rendent la formation plus accessible, plus transparente et plus efficace.
La sous-traitance dans le cadre de Qualiopi et du CPF
La sous-traitance est une pratique courante dans la formation professionnelle : un organisme de formation peut confier tout ou partie d’une action à un prestataire externe. Cependant, dès lors qu’il s’agit de formations financées par des fonds publics ou mutualisés, en particulier le CPF, cette pratique est strictement encadrée.
Du point de vue de Qualiopi, l’organisme principal reste pleinement responsable de la qualité de l’action de formation, même si celle-ci est exécutée par un sous-traitant. Cela signifie qu’il doit s’assurer que son partenaire respecte les critères du Référentiel National Qualité (RNQ) : adaptation des contenus aux besoins des apprenants, qualification des formateurs, suivi des acquis, etc. L’audit Qualiopi porte donc aussi sur la manière dont l’organisme pilote et contrôle ses sous-traitants.
Côté CPF et EDOF, les règles sont encore plus strictes. La Caisse des Dépôts impose une transparence totale sur la sous-traitance. Lors du référencement sur la plateforme, l’organisme doit déclarer le recours éventuel à des prestataires, en précisant leur identité, leur numéro de déclaration d’activité et les missions confiées. Cette obligation vise à éviter les montages opaques et à garantir que les fonds publics servent bien des formations conformes.
Une vigilance particulière s’applique lorsque la formation prépare à une certification RNCP ou RS. Dans ce cas, seul l’organisme habilité par le certificateur peut figurer comme responsable de la préparation. Si cet organisme fait appel à des sous-traitants, il doit pouvoir prouver que ces derniers respectent les exigences du référentiel de certification et que la traçabilité est assurée.
En résumé, la sous-traitance est autorisée mais jamais une délégation totale de responsabilité. L’organisme donneur d’ordre reste le garant unique devant l’auditeur Qualiopi et la Caisse des Dépôts. En cas de manquement de son sous-traitant, c’est lui qui risque le retrait de son référencement EDOF ou la suspension de sa certification. C’est pourquoi il est recommandé de formaliser la relation par des contrats clairs, de vérifier le NDA et la conformité Qualiopi des partenaires, et de mettre en place un suivi qualité documenté.
Conclusion
Le rapport entre Qualiopi et CPF peut se résumer ainsi : Qualiopi ouvre la porte, le CPF finance le parcours. La certification qualité est indispensable pour démontrer le sérieux d’un organisme, tandis que le CPF permet aux individus de mobiliser leurs droits pour financer des formations certifiantes et reconnues. Entre les deux, EDOF joue le rôle de passerelle, garantissant que seules les offres conformes apparaissent sur Mon Compte Formation.
Pour les organismes de formation, comprendre cette articulation est crucial. C’est la condition pour transformer une simple certification en véritable levier de croissance. Pour les apprenants, c’est l’assurance de suivre des parcours fiables, utiles et adaptés aux réalités du marché du travail.